Loptimisme
Loptimiste a une confiance raisonnable en ses propres aptitudes, en laide que les autres peuvent lui procurer et en leurs capacités. Ainsi, dans chaque situation, il peut discerner en premier lieu les éléments positifs et les possibilités damélioration quelle offre et, en second lieu, les difficultés et les obstacles qui sopposent à cette amélioration, tirant parti de tout ce qui est favorable et affrontant le reste avec un esprit sportif et joyeux.
Commençons par examiner le sens de loptimisme en tant que vertu, car ce terme comporte plusieurs acceptions. Par exemple, un jour de pluie, sous un ciel complètement couvert, une personne prédit : Nous allons bientôt pouvoir faire la ballade prévue car le soleil va sûrement se montrer. Une autre propose : Nous allons faire du feu et jouer à un jeu quon ma appris. Nous allons bien nous amuser. Laquelle de ces deux personnes est optimiste au sens positif du terme ? La première falsifie la réalité et la seconde sait profiter des circonstances réelles. La première essaie de changer le réel en vue du but concret quelle sest fixé - la ballade. La seconde se centre sur un but plus élevé - passer ensemble un agréable moment - et comprend que la ballade, comme le jeu, ne sont que des moyens.
On peut donc considérer loptimisme comme une qualité personnelle qui permet à chacun doptimiser la situation avec ou sans réalisme. Le développement de la vertu doptimisme suppose le réalisme et la recherche consciente du positif avant létude des difficultés. A moins de voir les ressources quoffrent les difficultés en soi.
La façon dont cette vertu est vécue dépend de la capacité de la personne à distinguer ce quil y a de positif dans une situation présentant plus ou moins de difficultés. Certains ne sont optimistes que lorsque la situation est totalement favorable ; dautres parviennent à se libérer de laspect immédiat, se centrant davantage sur le but poursuivi. Ces derniers, pour développer loptimisme - cest-à-dire leur capacité à voir le côté positif des situations, malgré de sérieuses difficultés - ont besoin dêtre motivés. Cette motivation va se fonder sur la confiance quils ont en leurs propres capacités et sur laide quils attendent des autres - et, si elles ont la foi, sur laide de Dieu. En effet, il ne peut y avoir doptimisme sans confiance en quelquun.
La confiance comme fondement de loptimisme
La confiance implique que lon reconnaisse la personne telle quelle est - avec ses qualités et ses capacités, les nôtres comme celle dautrui. Elle suppose également que nous nous appuyions sur notre propre force et sur lassurance que les autres sont disposés à nous aider. La confiance, pour avoir un sens, doit se fonder sur la réalité tout en respectant les possibilités damélioration de chacun.
On peut dailleurs constater que la plupart des gens se connaissent suffisamment bien pour pouvoir rester presque toujours optimistes. Cependant, il arrive un moment où lon ne peut résoudre ses difficultés seul, ou ne sait plus comment tirer parti dune situation qui, a priori, est une impasse. Lorsque la personne ne peut plus compter sur elle-même comme étant la seule intéressée en son propre bien, elle doit forcément chercher de laide, sous peine de perdre totalement son optimisme. En effet, loptimisme qui ne se fonde pas sur la confiance en Dieu, toujours prêt à nous aider et faisant tout pour notre bien, est un optimisme fragile et susceptible de conduire à la naïveté ou à lorgueil.
Prenons un exemple. Dans une situation professionnelle déchec, un homme peut réagir avec naïveté et faire croire quil ne sest rien passé et que la crise est passagère. Cest alors quil se trompe. Ou bien il croit que lui, qui na jamais subi déchec, va résoudre les problèmes, et il reste optimiste sans être réaliste, par orgueil. La personne qui ne compte que sur elle se trouvera un jour dans une situation quelle ne sera pas capable daffronter. Seule la confiance en Dieu, et la certitude quIl la voulu ainsi, permet de rester optimiste.
Précisons ici que loptimisme ne se traduit pas systématiquement en une joie manifeste. Loptimisme, précisément parce quil suppose une confiance en Dieu, en autrui et en soi-même, procure à la personne une paix intérieure. Lexpression de cette paix peut prendre la forme de gestes ou de paroles normalement liées à la joie, mais pas toujours. Cest le cas du décès dun parent proche : nous pouvons être optimiste et triste à la fois. Loptimisme vainc le découragement, mais cest la force qui vainc la tristesse.
Mais comment apprendre à un enfant la confiance en Dieu, en autrui et en lui-même sans le rendre naïf ?
Pour éviter la naïveté, comme nous lavons dit, il faut apprendre aux enfants à être réalistes. Il faut aussi quils comprennent quelle confiance ils peuvent accorder selon les personnes. Cette confiance doit être raisonnable. Les enfants doivent reconnaître quils doivent eux-mêmes se prendre en charge. Les parents peuvent les gâter, les remplacer dans des choses quils pourraient faire eux-mêmes, leur permettant ainsi de rester optimistes pour un temps en leur résolvant toujours leurs problèmes. Mais il arrivera un moment où les enfants devront voler de leurs propres ailes. Cest pourquoi il vaut mieux leur apprendre à exploiter leurs capacités et leurs qualités et à rechercher une aide raisonnable si nécessaire. Les jeunes enfants ont besoin de savoir que leurs parents sont toujours disposés à les aider, mais ils doivent comprendre quà limpossible nul nest tenu. Et il en va de même pour tous. Par exemple, il ne sagit pas de faire croire aux enfants que le médecin va les guérir immanquablement, mais quil va mettre tous les moyens pour obtenir cette guérison. On peut espérer le meilleur à condition dêtre disposé à accepter le pire de bonne grâce.
En ce qui concerne nos relations avec Dieu, on peut apprendre aux enfants à tout Lui demander, en précisant quIl ne nous donnera rien qui ne serve à notre bien car Il nous aime comme ses enfants. Avoir confiance en Dieu suppose de croire quIl va faire au mieux pour nous, non quIl va satisfaire des désirs que lon croit bons mais qui ne le sont pas. Il est vrai que lenfant a du mal a saisir ces nuances car il est axé sur le présent. Il ne comprend pas pourquoi il doit souffrir aujourdhui pour arriver ensuite à une plus grande plénitude humaine et spirituelle. La difficulté vient du fait quil ne reconnaît pas limportance de la finalité et se concentre sur les moyens.
Cest pourquoi il est nécessaire daider les enfants, non en essayant de résoudre leurs problèmes mais en les stimulant à faire des efforts et en les soutenant par laffection. Ils apprendront ainsi à être optimistes non parce quils réussissent tout mais parce que, malgré les échecs, lamour des parents est assuré. Loptimisme fondé sur des succès personnels réitérés est un optimisme illusoire. On croit être optimiste parce quon na jamais échoué, mais on ne lest pas si lon ne sait pas faire le lien entre ce qui nous arrive de plus ou moins agréable et les objectifs élevés qui en valent la peine.
Pour être concrets, considérons dun côté les enfants naturellement très sûrs deux et, de lautre, ceux qui nont pas confiance en eux, pour savoir comment réagir dans chaque cas.
Lenfant intelligent, sportif, sociable a toutes les raisons dêtre optimiste, parce que tout ce quil entreprend donne des résultats et lui donne satisfaction, même superficiellement. Cependant, sil napprend pas à se fier aux autres, à avoir besoin deux, à avoir confiance en Dieu, cette satisfaction ne durera pas car elle nest pas liée à la nécessité pour chacun de faire des efforts et de se reconnaître enfant de Dieu. Il va falloir présenter à ces enfants des difficultés, les encourager à entreprendre des choses plus difficiles quils peuvent réaliser, pour quils apprennent à supporter les échecs joyeusement et découvrent laspect positif dune situation a priori inexploitable. Le but nest donc pas quils remportent un succès sans plus mais quils sachent tirer parti de nimporte quelle situation en sappuyant sur leurs propres qualités, sur laffection de leurs parents et sur lamour de Dieu.
Les enfants peu sûrs deux posent dautres problèmes, particulièrement si cette défiance est le résultat déchecs répétés ou qui vient du fait quils nont pas trouvé laide recherchée au moment voulu. Les personnes qui en arrivent là par expérience personnelle ont dénormes difficultés à exercer loptimisme. Cest précisément dans ces circonstances que la vertu théologale despérance trouve toute sa place. Celui qui na pas la foi se trouve très limité lorsque les circonstances deviennent extrêmement difficiles, à moins quil ne se trompe lui-même. Et cela, nous lavons dit, nest pas de loptimisme.
Lenfant qui échoue a besoin de nombreuses marques daffection. Mais il serait vain de lui faire croire quil réussit quand ce nest pas le cas. Il sagit plutôt de créer des situations qui lui permettent de triompher et dacquérir plus de confiance en lui et en ses parents. Nous suggérons en fait à ces derniers de développer chez lenfant la vertu de force, car lenfant doit avoir fait lexpérience de se surpasser dans une chose quil sait faire et datteindre le but quil sest fixé pour apprendre la confiance. Il a aussi besoin de laide de ses parents pour avoir confiance en eux. Mais si les enfants sont axés exclusivement sur la poursuite dobjectifs à moyen-terme, ils ne parviendront pas à cette pleine confiance où peut sancrer lamour de Dieu. Il sagit de concilier le succès dans les petites choses avec la compréhension graduelle que chacun, même sil ne voit que ses limites, a la mission irremplaçable de rendre gloire à Dieu.
Nous avons là la pierre de touche : les enfants qui ont découvert leur mission de service dans la vie trouvent toujours le moyen daider les autres, ce qui les rend optimistes. Celui qui ne cherche que sa propre satisfaction est toujours déçu, ce qui engendre tristesse et pessimisme. Au contraire, lorsque les déceptions font partie intégrante du processus damélioration, cela conduit à loptimisme réaliste et efficace que lon recherche.
Nous navons pas parlé des adolescents lors de notre commentaire sur la confiance, car loptimisme, sur le plan humain, croît normalement depuis lenfance et prend peu à peu de lenvergure au point dinclure lespérance surnaturelle. Lors de ladolescence, les mêmes critères restent valables, bien que, si lenfant a pris des habitudes de défiance, il lui sera difficile de saméliorer. De toutes façons, ladolescent qui se sent aimé a déjà une motivation de base pour commencer à développer cette vertu. Cest pourquoi ladolescent pessimiste peut entreprendre le chemin qui mène à loptimisme à tout moment sil remarque que quelquun laime ou a besoin de son amour. Ou sil souvre à Dieu et que Dieu, qui ne nous refuse jamais ce qui est bien pour nous, lui donne un nouvel éclairage sur la tournure que pourrait prendre sa vie. On peut toujours recommencer. Celui qui apprend à le faire, qui sait quil peut le faire car Dieu laidera, est optimiste. En outre, sil est aidé par ses parents ou un ami, le processus sera plus rapide.
Réalisme et progrès
Dans la description initiale de cette vertu, nous avons dit que loptimiste doit avoir confiance de telle sorte que dans chaque situation, il peut discerner en premier lieu les éléments positifs et les possibilités damélioration quelle offre et, en second lieu, les difficultés et les obstacles qui sopposent à cette amélioration, tirant parti de tout ce qui est favorable et affrontant le reste avec un esprit sportif et joyeux.
En pratique, cela nest pas facile car cela demande de pouvoir discerner ce qui est positif de ce qui ne lest pas, ce dont il faut profiter et ce quil faut endurer avec esprit sportif. Auparavant, nous avons parlé de la capacité à recommencer, nécessaire lorsque nous avons mal fait les choses depuis le début. Dans un moment de pessimisme, deux éléments peuvent surgir : la difficulté inhérente à la situation et la difficulté de la personne à envisager la situation objectivement. Par exemple, si un adulte est déçu par un collègue, cela ne va pas le rendre pessimiste en ce qui concerne ce quil peut attendre des autres en général. Et sil est optimiste, il continuera daccepter cette personne, trouvant dans cette situation une occasion de laider à saméliorer, ou une occasion pour lui-même dexercer la vertu de force. Cependant, un enfant peut devenir triste à cause dune contrariété passagère, quil nait pas été invité à un goûter danniversaire ou quil ait été accusé à tort davoir fait quelque chose de mal. Avec le temps, nous nous rendons compte de limportance relative des choses. Les enfants ont du mal à faire cette distinction. Il faut leur montrer ce qui est important et ce qui est secondaire, ce qui est significatif et ce qui ne lest pas, en se centrant non pas sur laction mais sur la finalité, tout en restant réaliste.
On peut notamment enseigner aux enfants à analyser leurs impressions et leurs opinions généralisatrices. Par exemple, un enfant qui dit à sa mère : je nai rien à faire ou ici il ny a rien à faire donne une mauvaise appréciation de la situation. La mère doit alors essayer de saisir ce que lenfant recherche et de faire quelque chose pour lui en tenant compte de sa situation concrète. Prenons maintenant le cas de ladolescent qui dit : tous les autres ont beaucoup dargent mais pas moi. Ici encore la mère peut poser des questions qui aideront le jeune à comprendre ce qui, en fait, le préoccupe. On peut ensuite laider à voir plus clairement quel but il devrait poursuivre et lui montrer notre confiance dans ce quil va entreprendre.
Jusque là, nous navons abordé que les difficultés dordre personnel. Considérons à présent la façon denvisager une situation objectivement propre à stimuler le pessimisme.
Le réaliste voit tous les aspects de la situation, les juge avec le maximum dobjectivité, puis il agit. Cependant, il ne tient pas compte du fait que cette objectivité nest pas nécessairement fidèle à la réalité. Parce que les faits quil connaît ne seront jamais suffisants. Ils ont été communiqués par des personnes qui les ont appréciés avec plus ou moins de rigueur scientifique, et agrémentés de leur propre interprétation, etc... De plus, il a, comme élément de décision, uniquement ce que ces personnes font, non ce quelles sont capables de faire en étant motivées.
Loptimiste voit plus loin et, pour cela, il va dabord se concentrer sur laspect positif, sur les possibilités damélioration de la situation. Bien entendu, il tient compte des déficiences, mais tout en sachant quil pourra les surmonter la plupart du temps. En dautres termes, dans une situation présentant de graves limitations, il sagit de penser aux potentialités des personnes avant de les juger en fonction des données de la situation. Et cela ne signifie pas quil ne faut pas prendre ces données au sérieux.
Par exemple, si un garçon de 14 ans a échoué dans plusieurs matières, il peut être enclin au pessimisme. Le réaliste lui-même peut, en sappuyant sur les faits, conclure jai peu de chances de réussir et il a raison. Cependant, loptimiste saura que le but nest pas davoir de bonnes notes, mais de faire le plus defforts possible. De ce fait, il dira à ses parents pour cet examen, je vais forcer sur les mathématiques et vous allez voir ! Ensuite il peut lui manquer la force, mais sil a vraiment les moyens de progresser en mathématiques, cet optimisme est bon et fait partie de la vertu.
Un enfant dont les parents sont autoritaires et nont jamais essayé de communiquer avec lui, pourrait penser mes parents sont nuls. Cependant, loptimiste pensera en premier lieu à leurs mérites et essayera dintroduire une communication avec eux, même sur des choses futiles.
Il ne sagit pas que les enfants prennent lhabitude de minimiser les données de la situation à laquelle ils sont confrontés. Un optimiste peu réaliste peut ainsi être disposer à sortir avec des camarades dont il sait quils se droguent, parce quil a confiance en sa capacité de maîtrise de soi. Mais cela revient à sexposer à un danger inutile.
Après ces considérations, nous allons préciser un peu quel type dattention les parents peuvent porter à leurs enfants en vue de développer en eux cette vertu selon leur âge.
Les petits enfants ont autant besoin de vivre dans une ambiance joyeuse que les grands. Cette joie vient en partie du fait que les parents sappuient en permanence sur les points forts de leurs enfants, les stimulant selon leurs qualités et leurs capacités. Ils manifestent leur amour sans toutefois les protéger excessivement des petits échecs ou déceptions que ceux-ci peuvent rencontrer. De cette façon, les enfants acquièrent une confiance raisonnable en eux-même et en leurs parents. Lorsquil existe cette confiance, fondée sur lamour, les autres événements de la vie prennent une couleur différente - ils ne sont plus déterminants. Lindividu possède alors des racines pour tout surmonter.
Dans des situations différentes, les parents peuvent apprendre à leurs enfants à discerner ce qui est important et ce qui ne lest pas et leur montrer à chaque fois comment tirer profit de presque tout ce qui leur arrive. En ce qui concerne les petits, lessentiel est de leur apprendre la confiance.
Lorsque les années passent, les enfants ont davantage besoin de la vertu de force pour concentrer leurs efforts sur lobtention dune fin réalisable. Les rêves sont bons si on les reconnaît comme tels, mais loptimisme vient déjà du fait que lenfant sait quil a une mission dans la vie. Il ne sagit pas quil se sente important, mais quil sache quil lest. Il doit en même temps toujours reconnaître à quel point il est sage de faire confiance aux autres et de trouver une joie profonde à mettre sa vie au service de Dieu. Dans cette deuxième étape, il devrait développer la vertu de générosité par des actes de service des autres et doffrande à Dieu de ses contrariétés. Ainsi peut-il effectivement se conduire en enfant de Dieu.
En arrivant à ladolescence, il est possible que le monde en général leur paraisse si lamentable quils ne font que critiquer. La critique négative nest pas compatible avec loptimisme : reconnaître les faits est une bonne chose, mais à condition dêtre constructif.
Celui qui veut essayer de changer le monde au lieu de servir le mieux possible ceux qui lui sont proches peut devenir pessimiste. Dun autre côté, ladolescent a besoin de se sentir aimé, même sil naccepte pas cet amour ostensiblement. Lorsquil séloigne de ce quil connaît, il veut garder la sécurité de pouvoir revenir chez lui, là où ses parents lacceptent tel quil est.
Loptimisme et la force conduisent à la paix intérieure et à la joie. Il faut vivre les deux pour savoir ce que ces vertus signifient, mais loptimisme est beaucoup plus que de voir la bouteille de vin à moitié pleine plutôt quà moitié vide. Nous devons nous focaliser sur les possibilités quoffre une situation donnée et non sur ses limites. Soulignons cependant quun optimisme continuel nest possible que si lon sait que Dieu attend de chacun de nous quelque chose que les autres ne peuvent pas apporter. Et à condition que nous lui demandions son aide, tout contribuera à notre bien.