La pudeur

 “La personne pudique reconnaît la valeur de son intimité et respecte celle d’autrui. Elle protège son intimité du regard des autres; elle rejette ce qui peut l’altérer et la dévoile uniquement pour son bien ou celui d’autrui”.

 

Il est curieux que le terme de “pudeur” puisse évoquer, en premier lieu, quelque chose de limitatif, parce qu’il correspondait autrefois à une notion fausse. Comme le dit l’écrivain Choza : “La pudeur est une vertu et donc un devoir, bien que l’on se sente soulagé lorsqu’on en est dispensé, c’est-à-dire lorsqu’elle se trouve réduite à une pure convention sociale. C’est la raison pour laquelle la littérature psycho-sociologique - conçue pour plaire au public, comme toute littérature - tend à considérer les habitus ou vertus comme le simple résultat d’un conditionnement social” .

La pudeur garde cependant tout son sens pour les personnes vivant dans une société qui tend à détruire l’intimité de la personne. La standardisation et le désordre des moeurs et coutumes peut faire de la personne un simple complice du désordre général. Or, un être humain digne de ce nom doit découvrir ce qu’est la dignité humaine et ne pourra le faire qu’en comprenant le lien qui le lie étroitement à sa finalité existentielle. Dans ce contexte, il est évident que, pour garder sa dignité, il faut se posséder un tant soit peu et connaître le sens de sa vie.

La vertu cardinale de la tempérance se distingue de toutes les autres en ce qu’elle “ne se vérifie et n’opère que sur le sujet agissant” . Et comme la pudeur est très liée à la tempérance, nous parlons d’une vertu difficilement observable de l’extérieur. Si cette vertu concerne spécifiquement l’intimité de la personne, il sera plus facile, pour les parents désireux de former cette vertu chez leurs enfants, de juger leur façon de la vivre par ce qu’ils font mal plutôt que par ce qu’ils font bien.

En ce sens, il est plus facile de se centrer sur le sixième commandement et oublier le développement de la vertu qui est, rappelons-le, une bonne habitude.

 

La valeur de l’intimité

Peut-être devrions-nous d’abord expliquer ce que signifie “reconnaître la valeur de l’intimité” afin de savoir dans quelle mesure nos enfants sont aptes à le faire.

Lorsqu’un jeune découvre qu’il possède une expérience unique, synthèse d’une réalité qui englobe l’esprit, les émotions et le corps, mais que les autres ne connaissent pas, il peut réagir de deux façons. Il peut essayer de partager cette expérience avec les autres, avec un ami choisi ou avec tous en général, ou bien il peut la garder dans son coeur, la méditer et en parler ou non selon les circonstances. Il peut reconnaître que ce qu’il pense, ce qu’il ressent a tant de valeur qu’il ne doit pas le gaspiller en en parlant avec le premier venu, ou bien il peut tout dévoiler à ceux qui sont  prêts à l’écouter. Et cela pose un problème car, pour certains, le fait de garder les choses pour soi est une manifestation d’égoïsme.

C’est pourquoi il faut préciser que tout ce qu’on a est de Dieu et pour Dieu. Il incombe à la personne d’administrer ce qu’il a reçu de Dieu de façon à Lui donner le plus de gloire possible. Garder les choses pour soi est égoïste. Les garder pour Dieu ne l’est pas. En outre, il est logique que, si nous devons utiliser nos talents pour Dieu en servant les autres, il faudra que nous sachions discerner ce qu’il convient de donner et à dans quelles circonstances le faire, sans dilapider son bien.

Par ailleurs, il faut savoir que transparence et pudeur ne sont pas antinomiques. La transparence requiert de la personne qu’elle agisse de façon cohérente avec ses objectifs, sans duplicité. La pudeur ne cache pas la réalité : la réalité est patente mais contrôlée par une décision personnelle.

Si l’on considère la pudeur comme une vertu qui présuppose la reconnaissance de l’intimité, quels sont les signes susceptibles de révéler dans quelle mesure les enfants respectent la leur ?

On peut observer en premier lieu si les enfants commencent à découvrir des aspects de la vie pouvant faire partie de leur intimité. On le remarque lorsqu’ils gardent un domaine privé. C’est le cas des plus jeunes qui commencent à protéger l’intimité de leur corps et ne laissent rentrer personne dans la pièce quand ils sont dans leur bain. Il semble qu’il y ait là une pudeur naturelle. De la même façon, les adolescents cessent peu à peu de raconter leur vie à leurs parents, ce qui met parfois ces derniers en colère.

Lorsqu’il découvre son intimité, le jeune peut parfois tomber dans l’extrême qui consiste à se replier sur lui-même, rejetant toute tentative d’influence parentale, qu’il considère alors comme autant d’intrusions dans son intimité. Il se peut que, parallèlement, il s’ouvre sans réserves à ses amis car il n’assume pas son monde personnel.

Il serait souhaitable que les adolescents fassent la distinction entre les informations à communiquer à leurs parents, celles qui sont destinées aux autres et celles qu’ils veulent garder pour soi. La pudeur n’implique pas un isolement ni un refus de communication avec autrui. Cela ne conduirait qu’à la solitude. Elle suppose plutôt de se connaître en vue d’un don opportun.

C’est pourquoi un signe positif pourrait être la capacité de la personne de rester avec elle-même sans fuir la responsabilité de son propre être. Je veux parler de la capacité de rester au calme, sans bruit extérieur, en silence, sans allumer la télévision ou la radio dès que l’on rentre chez soi. “Par la contemplation, l’homme entre en communication avec l’Etre divin et assimile la Vérité pure, qui est le Bien suprême. L’essence de la personne morale consiste à se déclarer ouverte à la vérité des choses et à vivre de la vérité qui s’est incorporée à son être. Seul celui qui est capable de comprendre cela et de l’accepter sera aussi capable de comprendre la profondeur de destruction que peut déchaîner en nous un coeur impur” .

L’intimité a donc une valeur à condition que ce qui est gardé secret en ait une. Il faut savoir sortir de soi pour chercher de l’aide ; pas n’importe laquelle mais celle de la personne qui convient. Et cela pourrait être le troisième signe de la valeur qu’un jeune accorde à son intimité : a-t-il recours à la personne qui convient - prêtre, parents ou amis, afin de garder sain le contenu de son intimité.

Pour résumer, les trois aspects dont il faut tenir compte pour savoir si l’enfant reconnaît la valeur de son intimité sont :

 

1) Qu’il existe des domaines où il commence à protéger une partie de son être, émotions ou corps, du regard des autres.

2) Qu’il soit capable de rester seul avec lui-même, en silence. 

3) Qu’il garde sain le contenu de son intimité grâce à l’aide des personnes qui conviennent.

 

L’expression de la pudeur

Avant de considérer comment éduquer les enfants à la pudeur, il faudrait préciser comment s’exprime le fait de “préserver son intimité”. Choza parle de trois domaines : la maison, le vêtement et le langage .

En ce qui concerne la maison, il dit : “Ce qui motive principalement les hommes à construire des maisons, ce n’est pas de se défendre des animaux ou des intempéries. L’homme construit des maisons par besoin de projeter son intimité : ma maison, c’est mon intimité, l’endroit qui m’appartient, et lorsque j’invite un ami chez moi, il pénètre dans mon intimité, je le convie à passer un moment intime en ma compagnie”.

C’est pourquoi chacun a besoin d’un foyer qu’il interprète et crée personnellement, qui lui fournisse une intimité, non pas solitaire mais en contact avec les autres membres de la famille. En ce sens, les parents devraient permettre à chaque enfant, dans la mesure du possible, de créer un espace qui soit le sien. Si les enfants ne créent rien de personnel, s’ils ne peuvent que participer à l’ambiance créée par les parents, il est logique qu’ils ne se sentent pas à leur place. Leur intimité n’a pas où s’exprimer. On a toujours dit que les parents devraient laisser à leurs enfants, dès leur plus jeune âge, ne serait-ce qu’un tiroir ou un coin à eux qui n’admettrait aucun intrus. Ce point est encore plus important à l’adolescence. D’autre part, si les adolescents qui communiquent avec leurs parents arrivent à participer activement à l’intérieur du foyer, il est probable qu’ils désirent inviter leurs amis chez eux sans avoir à chercher cet espace à l’extérieur. Par exemple on peut laisser une pièce non décorée à la disposition des jeunes qui peuvent alors y laisser leur empreinte. Il faut également reconnaître l’importance, pour l’adolescent, d’avoir sa chambre, ou au moins qu’il n’ait pas à la partager avec un trop grand nombre de frères et soeurs.

Pour que la pudeur puisse se développer chez l’adolescent, il est nécessaire que celui-ci dispose, dans son foyer, d’une ambiance appropriée où il puisse protéger son intimité et réaliser les choses qui lui sont propres et personnelles. Prenons un exemple. Si un adolescent sort avec une jeune fille suffisamment longtemps pour dépasser la première étape où l’on occulte le fait aux parents, précisément par une saine pudeur, il est normal qu’il finisse par chercher un cadre adéquat pour cette nouvelle relation. Si l’enfant s’identifie avec l’ambiance de sa maison, de ses parents, de ses frères et soeurs, il aura le courage d’inviter la jeune fille chez lui, peut-être avec d’autres amis, pour voir la télévision, discuter, ou s’adonner à un autre sain loisir. Si, au contraire, l’ambiance de sa maison reflète mal ce qu’il est, il cherchera facilement un lieu de substitution faussement “intime”, une “boîte”, une discothèque, une cafétéria obscure, un coin de parc, ou sa propre voiture. Ces lieux lui paraîtront “intimes” en raison de leur isolement, de leur obscurité, de la musique ou des jeux électroniques ; en définitive, pour des conditions purement extérieures qui ne sauraient créer une véritable intimité. Par exemple, les “boîtes” et discothèques où il est presque impossible de parler, favorisent un type d’expression fondé sur le contact physique et les pulsions stimulées par le son, la pénombre, voire l’alcool. Tout cela va à l’encontre de la pudeur en déformant le véritable sens de l’intimité.

La sphère d’intimité de deux jeunes qui, de par leur âge, sont encore loin du mariage, comprend l’échange d’idées, de pensées, de projets ; le partage d’une activité, comme étudier, s’adonner à un passe-temps, se promener, aller au cinéma. La pudeur, si les jeunes ont pu développer cette vertu, leur permettra de reconnaître les limites que doit avoir cette intimité et de se comporter en conséquence. La pudeur jettera un voile de respect sur la possibilité d’élans physiques prématurés ou de révélations inopinées sur les profondeurs de l’âme. Il est évident que, si les conditions de logement ne permettent pas aux enfants de protéger leur intimité, ils sortiront de chez eux, avec les risques que cela comporte : situations favorisant un excès d’intimité ou rendant impossible toute pudeur car l’ambiance ne s’y prête guère. Cela apparaît clairement chez les hippies, qui n’ont pas de maison et se soucient peu du vêtement.

La pudeur, ne l’oublions pas, aide à se posséder davantage pour pouvoir ensuite se donner en temps voulu. Si nous pensons à l’habillement, nous voyons qu’il rempli aussi cette fonction. “La pudeur de couvrir son corps signifie que le corps est en notre possession, qu’il n’est à la disposition de personne d’autre que nous-même, que nous ne sommes pas prêts à le partager avec tout le monde et que, par conséquent, nous sommes en mesure de le donner à une seule personne ou de ne pas le donner du tout. C’est ce qui explique l’insistance d’un fiancé ou d’un mari pour que sa fiancée ou son épouse s’habillent décemment” .

La pudeur, dans ce domaine, est particulièrement difficile à vivre lorsqu’elle semble aller contre la “mode”. Le désir de la femme de plaire à son mari ou celui de la jeune fille de soigner son “look” en société sont parfaitement légitimes, à condition que cela soit vécu avec élégance et goût, mais il est facile de glisser vers la vanité ou le manque de pudeur.

En l’occurrence, c’est la pudeur qui nous intéresse, le seul barème valable étant, à mon sens, de se mettre à la place de l’homme et de considérer si, en s’habillant de telle façon, on va stimuler ses instincts et le faire participer ne serait-ce que mentalement à notre intimité. C’est pourquoi le critère à suivre n’est pas seulement la quantité de tissu, mais également la façon dont nous couvrons notre corps.

En ce qui concerne l’expression de la pudeur dans le langage, le terrain est vaste. “On fait communément l’expérience du je ne sais pas ce qu’il m’est arrivé concernant certaines émotions, et du malaise qui en résulte. Cela révèle que, objectivement, nous ne maîtrisons pas nos émotions. La capacité d’exprimer nos états d’âme indique notre capacité de contrôle sur eux et, par conséquent, notre capacité de communiquer ou de livrer ce que nous possédons. Lorsque l’on dit de quelqu’un qu’il n’a pas de pudeur car il fait référence à des aspects intimes de sa vie sans discrimination, on veut dire que l’intimité de cette personne est du domaine public” .

L’intimité ne devrait se manifester que si cela peut favoriser l’amélioration personnelle ou le bien du prochain. Nous reviendrons sur ce sujet. Pour le moment, envisageons les dangers inhérents à une conception simpliste de la sincérité. Celle-ci ne consiste pas à parler à tort et à travers de choses intimes, ni de révéler au premier venu des problèmes qui nous affectent à un moment donné, mais de les exposer avec naturel et droiture à la personne qui peut vraiment nous aider.

C’est le signe d’une saine pudeur que de taire notre intimité devant l’étranger et de maintenir à l’abri de la curiosité ou de la spéculation d’autrui, non seulement les problèmes, mais également les émotions, sentiments et états d’âme qui constituent la trame de la vie affective de chacun. Il s’agit aussi de ne pas parler à la légère et sans raison suffisante d’événements ou de sujets appartenant habituellement à l’intimité des personnes. A cet égard, il va sans dire qu’un certain type d’expressions et d’interjections révèle le manque de pudeur de celui qui en use.

Le monde intime n’est pas quelque chose à exhiber. Il ne peut être révélé que dans certaines circonstances et à la personne qui convient : un véritable ami, le conjoint, le confesseur, un parent, de toutes façons à une personne de confiance.

 

Les influences extérieures

Le développement de la vertu de la pudeur peut se trouver sérieusement entravé par des influences extérieures. Si nous cherchons à ce que nos enfants aient des passions fortes, mais sous contrôle, il faudra leur apprendre à utiliser leur volonté, mais aussi leur capacité de raisonnement pour reconnaître les effets de ces influences. Ils pourront ainsi s’éloigner des plus nocives et résister avec force aux autres.

Nous avons déjà fait allusion à l’effet que peut créer une ambiance passionnée, disproportionnée, fondée sur la combinaison de certains types de musique et de lumières. Cela peut facilement aboutir au défoulement et à la luxure. D’une façon moins flagrante mais tout aussi dangereuse, le cinéma, la télévision et les lectures peuvent avoir une mauvaise influence. Les enfants pensent en général qu’ils sont suffisamment mûrs pour distinguer la qualité culturelle d’un film, par exemple, du sujet érotique traité dans le même film. Cependant, les passions ne sont pas neutres. Elles réagissent face à des stimuli de toutes sortes, et même si la réaction n’est pas immédiate, il est probable que des graines de discorde soient semées dans l’ordre intérieur de la personne, dans son intimité. Sans qu’elle s’en rende compte, celle-ci adopte de nouvelles attitudes caractérisées, non par des critères droits ou justes, mais par l’élasticité de leur modèle, se laissant influencer par les autres et perdant toute personnalité - celle-ci se construisant à partir des composantes de l’intimité.

D’autre part, il faut savoir qu’il peut nous arriver de laisser d’autres personnes abuser de notre propre intimité et, sans le vouloir, d’abuser de celle des autres. La pudeur requiert notre vigilance concernant les tentatives des autres, conscientes ou non, pour s’ingérer dans des affaires qui ne les regardent pas et, dans la mesure du possible, nous devons former et informer nos enfants dans ce domaine.

Quelqu’un a dit que nous n’étions pas des êtres rationnels, mais des êtres sentimentaux essayant de rationaliser leurs sentiments. Les parents devraient surveiller de près ceux de leurs enfants qui ont tendance à privilégier les sentiments, car ce sont précisément les relations fondées sur les sentiments qui peuvent porter atteinte à la pudeur.

Après avoir souligné l’aspect suivant : “elle protège l’intimité du regard des autres ; elle rejette ce qui peut l’altérer”, considérons à présent la dernière partie : “et la dévoile uniquement pour son bien ou celui d’autrui”.

Il y un moment opportun pour toutes nos actions et pour toutes nos paroles. Et pas seulement un moment mais aussi une personne qui convient. Ainsi, il peut être souhaitable, en vue de l’amélioration personnelle, de raconter un problème intime à quelqu’un. Cette situation a été rendue typique par un film où un homme ivre commence à raconter ses peines à un inconnu se trouvant dans le bar. Ce cas révèle un manque de pudeur causée par l’ébriété. Cependant, cet homme aurait pu raconter ses problèmes à un ami intime à un moment donné, à condition d’être sûr qu’en le faisant, il ne le gênerait pas, et que lui-même en tirerait un bénéfice. Il n’est pas bon de raconter des choses de sa propre intimité ou de celle d’autrui pour s’en moquer ou par vanité.

En même temps, il peut être opportun de raconter un épisode de notre vie personnelle à un ami ou un enfant si cela peut lui permettre de mieux nous comprendre et de résoudre le problème. On ne doit pas se renfermer ; nous ne sommes pas en train de suggérer de protéger faussement son intimité, par plaisir ou pour se lamenter sur son sort. Mais d’élever les motifs que l’on a de la partager , de telle façon que la sélection de nos interlocuteurs en découle automatiquement.

 

L’éducation de la pudeur

Nous avons traité certains aspects de la pudeur pouvant donner quelques pistes aux parents. Soyons à présent plus précis et étudions le développement de la vertu chez l’enfant, puis chez l’adolescent.

Puisque nous parlons d’intimité, il semble a priori que la pudeur n’aie guère de sens avant l’adolescence, car cette tranche d’âge se caractérise précisément par la découverte de l’intimité. Cependant, c’est bien avant qu’il faudrait préparer les enfants.

Il y a toute une série d’habitudes que l’on peut inculquer aux enfant depuis leur plus jeune âge. Je pense aux actes permettant de développer la volonté :  les petites charges confiées à la maison, le fait de suivre un horaire, de se lever rapidement, tout cela prépare les enfants à affronter avec force ce qui, plus tard, leur coûtera davantage, même si, au départ, cela paraît sans importance. Viennent ensuite les habitudes liées à l’intimité des membres de la famille - frapper à la porte avant d’entrer dans une chambre, parler des choses un peu délicates en privé avec les parents, ne pas se promener dans la maison à demi vêtu, etc.

Tous ces aspects concernent de très près la formation de la conscience, celle-ci indiquant très nettement la place qu’occupe Dieu dans notre vie. Autre aspect de la pudeur : l’éducation sexuelle, bien qu’il serait plus juste de parler d’information sexuelle dans le cadre d’une éducation à l’amour. En ce qui concerne l’amitié entre parents et enfants, Mgr Escriva de Balaguer écrit : “Cette amitié dont je parle, cette façon de savoir se mettre à la portée des enfants, d’obtenir qu’ils parlent en toute confiance de leurs petits soucis, voilà qui rend possible une chose qui me semble très importante : que ce soit les parents qui informent progressivement leurs enfants sur l’origine de la vie, en s’adaptant à leur mentalité et à leur capacité intellectuelle, anticipant légèrement sur leur curiosité naturelle. Il faut éviter qu’ils y voient quelque chose de mal, ou découvrent la vérité - une vérité en soi noble et sainte - au cours d’une conversation malsaine avec un ami. C’est d’ordinaire un pas important dans la consolidation de l’amitié entre parents et enfants et cela permet d’éviter une séparation au moment même où s’éveille la vie morale” .

Le respect du corps est fondamental pour pouvoir cultiver la vertu de la pudeur. Les parents devraient donner à leurs enfants une éducation sexuelle, en tenant compte non seulement de leur âge mais aussi de leur maturité physique et mentale, de l’ambiance du pays, de la ville ou du quartier. Ils devraient parallèlement leur enseigner les devoirs dictés par la loi de Dieu concernant la sexualité, pour les rendre aptes à discerner ce qui est péché de ce qui ne l’est pas. Rappelons que rien n’est sans importance dans le domaine de la pureté, et qu’un acte est soit péché grave (si l’on ne tient pas compte des facteurs subjectifs et des circonstances particulières), soit un manque d’éducation ou d’hygiène.

Outre ce qui concerne directement la pureté, il faut, pour faire comprendre la pudeur, garder en tête l’importance de faire comprendre aux enfants que, dans tout ce qu’ils font, il y a un où, un quand, un comment et à qui ils le font ; la pudeur requiert de faire attention aux circonstances, aux personnes, aux oeuvres et aux mots. Il faudra leur expliquer, par exemple, qu’il ne convient pas de raconter aux étrangers des choses de la vie familiale, qu’ils ne doivent pas utiliser habituellement les expressions se référant à la vie intime, ni s’introduire dans l’intimité des autres. Tous ces aspects doivent être abordés avec l’enfant le plus tôt possible pour y former sa sensibilité.

L’ambiance du foyer est ce qui peut favoriser ou au contraire entraver l’exercice de la pudeur de façon très significative. Si les parents se traitent avec délicatesse, font en sorte que se multiplient les attentions permettant de rendre la vie agréable aux autres ; s’ils évitent de commenter ouvertement des détails de l’intimité des autres, de parler de choses de la vie intime des enfants, devant eux et en la présence d’étrangers, ils peuvent créer un climat où l’enfant va pouvoir développer sa propre intimité tout en restant en communication avec les autres membres de la famille. Et cela est fondamental pour le développement de la pudeur, notamment à l’adolescence.

Si l’on analyse les coutumes familiales, on s’aperçoit que bon nombre d’entre elles concernent le respect de la pudeur. Par exemple, être rentré à la maison à une heure décente, être vêtu de manière adéquate, sélectionner les loisirs et les divertissements, surtout les spectacles. Si les enfants n’ont pas bien saisi, selon leurs possibilités, la nécessité de se posséder pour pouvoir ensuite se donner, ces règles peuvent leur paraître, à l’adolescence, de simples contraintes dépourvues de signification. Tandis que s’ils reconnaissent le bien-fondé de la pudeur et s’ils ont assimilé les critères de base permettant de saisir le sens de cette vertu, ils verront sous un autre jour les règles visant à la protéger.

Nous pouvons les aider de diverses manières. S’ils apprennent à raisonner correctement, en tenant compte de l’information fournie par leurs parents, les adolescents peuvent renforcer leur volonté. C’est une erreur de croire qu’il suffit soit de la volonté, soit du raisonnement. Nous avons largement parlé des raisons, et peu de la volonté, c’est-à-dire de la lutte personnelle implicite dans l’exercice de cette vertu. “L’enseignement n’est jamais une éducation complète. Elle doit être complétée par l’effort personnel, par la lutte ; cela est vrai notamment dans ce qui touche à l’éducation sexuelle. Vivre sa sexualité chrétiennement ne se fait pas sans effort, sans un effort qui peut parfois être héroïque. Cela vaut principalement pour les jeunes, dont la force des tendances sexuelles et le peu de maturité rendent la lutte plus rigoureuse. D’un autre côté, la jeunesse est aussi la période la plus propice pour comprendre la vie comme une lutte, pour mépriser la commodité. Pour poser les fondations les plus solides de l’éducation sexuelle, il faut que les jeunes prennent sérieusement conscience du fait qu’une vie humaine ne se réalise pleinement qu’à travers la lutte”.

Il faudra leur apprendre à éviter les occasions qui peuvent leur faire du mal, à garder leurs sens, à se contrôler en dominant leur corps par la raison. Tout cela sans oublier les moyens surnaturels : la prière et les sacrements.

“La pudeur est la zone de sécurité de l’individu - l’indivisible - et de ses valeurs spécifiques. Elle délimite la sphère de l’amour en ne permettant pas que se déchaîne la sexualité alors que l’unité intérieure de l’amour n’est pas encore née” . L’éducation conjointe de la pudeur et de la générosité prépare l’émergence de l’amour. Toutes les vertus sont des manifestations de l’amour, mais ces deux-là de façon plus significative encore. La possession de soi et le don de soi, leur compréhension et leur réalisation constituent deux aspects prioritaires dans l’éducation des enfants.

 

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