L’amitié


“L’ami arrive à entretenir, avec quelques personnes déjà connues de par une communauté d’intérêts de type professionnel ou récréatif, des contacts personnels réguliers, nés d’une sympathie mutuelle, chacun s’intéressant à l’autre et à son progrès”.

Considérer l’amitié comme une vertu peut paraître difficile. Comment y voir une bonne habitude ? Saint Thomas, dans son premier commentaire du Livre VIII de l’Ethique à Nicomaque, écrit que l’amitié est une sorte de vertu car elle est un “habitus electivus” qui fait partie de la justice dans la mesure où elle est le signe d’un partage. Cependant, elle diffère de la justice dans la mesure où cette dernière envisage l’amitié sous l’angle de la dette légale, tandis que l’amitié se fonde plutôt sur la dette morale ou, plus exactement, sur le bienfait gratuit. Nous parlons donc d’affection réciproque désintéressée.
Avant d’aborder le sujet concret de l’éducation de l’amitié, il conviendrait d’apporter quelques précisions. Dans notre définition initiale, nous nous référions à des contacts personnels réguliers provenant d’une sympathie mutuelle, mais sans préciser si la condition de l’amitié résidait uniquement dans ces contacts, ou si celui qui les entretenait devait posséder quelque qualité particulière. Autrement dit, une amitié entre deux personnes dont le comportement est moralement mauvais est-elle possible ? L’amitié s’entretient par la vertu et croît dans la mesure où la vertu se développe. Elle rend le sujet à la fois plus aimable et davantage capable d’aimer. C’est pourquoi les “mauvais peuvent se trouver mutuellement sympathiques, non en tant qu’ils sont mauvais ou indifférents, mais dans la mesure où tous les hommes ont quelque chose de bon et se peuvent se mettre d’accord. Pas d’amitié possible quand la vertu fait défaut”.
Un autre aspect à envisager est le partage de l’intimité que suppose l’amitié. C’est pourquoi il ne peut exister d’amitié profonde tant que la personne n’a pas découvert sa propre intimité et appris à la partager avec d’autres. A cet égard, il faut distinguer l’amitié d’autres vertus très proches. “La sociabilité concerne tout le monde ; l’amour du prochain ceux qui nous entourent ; l’amitié ne concerne que les intimes”. En même temps, dans la vie réelle, l’amitié peut difficilement naître sans une attention habituelle aux autres. Il s’agira d’entretenir des relations sociales très larges et de pratiquer la charité chrétienne avec tous, car ce n’est qu’ainsi que peut surgir la sympathie mutuelle qui conduit à l’amitié.

L’amitié : conditions et caractéristiques
Dans la vie quotidienne, nous, adultes, rencontrons de multiples situations impliquant des relations humaines fondées sur des activités professionnelles ou récréatives et susceptibles de faire naître une amitié. Nous créons ce type de situation en invitant, par exemple, des nouveau-venus dans le quartier. Nous recherchons alors automatiquement des sujets de conversation connus de tous, à propos desquels nous commençons à échanger des impressions : les enfants, les écoles, les différences régionales, etc. En même temps, nous nous informons sur les intérêts et le travail des personnes présentes, même si certaines, par timidité ou par orgueil, ne s’intéressent pas aux autres et ne cherchent pas à les connaître. Cette connaissance est nécessaire pour qu’un dialogue plus profond puisse s’instaurer. Si, au cours d’une conversation, n’apparaissent aucune expérience ni aucun intérêt communs, il est peu probable que naisse une amitié. C’est pourquoi nous pouvons dire que les conditions nécessaires à la naissance d’une amitié sont les suivantes : existence d’intérêts communs et minimum d’homogénéité de conditions et de compétences dans les sujets traités. Si les intérêts communs incluent un intérêt mutuel, et que le fait d’être ensemble permet à chacun d’atteindre une plus grande maturité, l’amitié est née et se manifestera par le désir de partager expériences, sentiments, pensées et projets.
Nos enfants se trouvent également dans des contextes de relations humaines comme la famille, le club sportif ou le collège. Tous les camarades ne sont pas amis, même s’ils partagent beaucoup d’activités. Les relations diffèrent suivant l’âge, et il faut tenir compte des conditions de chaque type de relations dans l’étude de l’amitié. Concrètement, comment faut-il comprendre l’amitié entre parents et enfants, entre garçons et filles ?
D’après ce que nous avons dit, on comprend que l’amitié ne consiste pas à avoir des activités communes ou à connaître une personne depuis très longtemps. L’amitié implique un type de lien qui peut être le résultat d’un long processus comme celui d’une rencontre d’une demi-heure. “C’est un lien spirituel et libre d’amour humain mutuel, communicatif et créatif ; c’est un lien étranger au sexe et à l’instinct de la chair”.
Dans ces conditions, il est évident qu’il peut exister une amitié entre parents et enfants, mais ces rapports ne sauraient se limiter à l’amitié. Dans la mesure où il existe entre eux des relations régulières, avec le souci du progrès des uns et des autres, il peut y avoir amitié. En revanche, si le père montre de l’intérêt pour ce que fait son enfant, lui parle, le soutient par son affection, mais sans rechercher de réciprocité, il est en train de développer une relation étrangère à l’amitié. On reconnaît généralement qu’il est souhaitable que les parents soient amis de leurs enfants, dans le sens où ils doivent s’intéresser à leur vie pour créer un climat ouvert au dialogue et à la confidence. Cependant, à mon avis, les parents ne réussissent à être amis de leurs enfants que lorsqu’ils obtiennent du répondant de la part de ces derniers : l’enfant doit rechercher le bien de ses parents. Lorsqu’un enfant manifeste un intérêt actif à l’égard de son père, il peut le faire comme un fils ou comme un ami. Les deux rôles sont complémentaires, mais il faut souligner qu’un fils sera toujours le fils de son père même s’il ne devient jamais son ami.
Les relations entre garçons et filles présentent un autre type de difficultés. D’après notre définition initiale, nous constatons qu’il peut exister une amitié toute naturelle entre filles et garçons. Ils peuvent se voir régulièrement, il peut y avoir une sympathie et un intérêt mutuels pour le progrès de l’autre. Cependant, entre les personnes de sexes opposés intervient un autre facteur : l’attrait physique ou la possibilité que cette relation ce concrétise dans le don mutuel des corps. Ce qui, pour le jeune qui agit droitement, signifie le mariage, contrat naturel entre un homme et une femme qui rend ce don “complètement différent, non seulement des accouplements animaux qui se réalisent sous l’impulsion du seul instinct aveugle de la nature, sans l’exercice de la raison ni de la volonté, mais également de ces unions inconstantes, dépourvues de tout engagement véritable et sincère des volontés et de tout droit légitime à la vie commune”.
La raison d’être de l’homme et de la femme est patente dans la Genèse, I, 27-28 : “Dieu créa l’homme à son image, homme et femme Il les créa ; Dieu les bénit et Dieu leur dit : soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre”.
C’est pourquoi, dans la relation avec une personne de l’autre sexe, le jeune se trouve dans une situation où il existe la possibilité, créée par Dieu, d’engager tout son être, corps et âme. Le jeune dont le jugement est droit peut se croire capable de distinguer ces dimensions, mais il doit reconnaître l’existence d’un risque qu’il n’est nécessaire ni de courir, ni d’accepter. S’il fait la connaissance d’une personne dont il pense qu’elle pourrait devenir son épouse, le jeune homme doit penser à elle comme à sa future femme et la traiter avec tout le respect que mérite la personne susceptible d’être un jour co-participante d’une entreprise bénie par Dieu. S’il ne comprend pas que l’aspect physique est implicite dans la dimension personnelle, il risque de séparer les deux aspects et finir par tomber dans les aberrations que constituent, par exemple, les expériences pré-matrimoniales.
Par ailleurs, il est parfaitement légitime que des personnes de sexe différent se réunissent pour une activité, s’ils reconnaissent que la raison d’être de la relation est de réaliser cette activité - comme préparer des examens. Il ne s’agit pas dans ce cas d’amitié mais de camaraderie, et il suffit alors de reconnaître les limites de la relation.
Les enfants apprennent les règles du jeu dans des activités impliquant la participation de personnes du même sexe - comme le sport - mais bien souvent, les parents et autres éducateurs n’expliquent pas les règles du jeu concernant les situations où des personnes des deux sexes sont impliquées. L’homme, lorsqu’il n’utilise pas sa volonté, ressemble à un animal, et il faut entraîner les enfants au bon usage de cette volonté dans un domaine aussi mal compris que celui des rapports entre garçons et filles.

Amis à différents âges
Il ne s’agit pas de donner une explication psychologique des relations humaines à différents moments de la vie, mais de traiter certains facteurs fondamentaux concernant l’action des parents.
Lorsque des parents se rendent à l’école pour demander au professeur si leur enfant a des amis, ils ne savent sans doute pas bien ce qu’ils veulent dirent. Il est sans doute souhaitable que l’enfant ait des amis, mais nous allons voir ce que cela peut signifier pour le jeune enfant.
Nous ne parlons évidemment pas d’une amitié fondée sur l’engagement personnel. Il s’agit davantage ici de savoir si l’enfant joue avec les autres, s’il leur parle, s’il est généreux et s’il passe plus de temps avec certains d’entre eux.
Ces relations avec les autres permettent à l’enfant de développer peu à peu deux facettes importantes de sa personnalité. D’une part, il commence à reconnaître son rôle au sein du groupe. Il se rend compte de ce qu’il peut lui apporter et recevoir de lui. Il commence à respecter les règles du jeu et se fera rappeler à l’ordre s’il ne s’y soumet pas. En un mot, il apprend à être sociable. Au cours de cet apprentissage, il reconnaîtra peu à peu que d’autres sont plus forts, plus intelligents, plus influents, ou se rendra compte de sa propre influence. Durant cette phase, l’essentiel est que l’enfant apprenne à s’engager vis-à-vis du groupe, principalement à travers l’acceptation positive de son rôle et du rôle des autres au sein du groupe. Celui qui participe à une activité ou partage un intérêt du groupe - football, conversations, jeu de carte, etc. - est appelé “ami” et les autres sont les camarades. Ceux qui posent des problèmes à cet âge sont les timides, qui n’osent faire partie d’aucun groupe, et les enfants gâtés qui, la plupart du temps, supportent mal de s’apercevoir que les autres ne sont pas disposés à satisfaire leurs caprices.
Au fur et à mesure que passent les années, les “amis” d’un groupe ayant des goûts et des intérêts communs changent et, jeunes adolescents, ils commencent à rechercher des amis intimes, des personnes à qui ils peuvent se confier et raconter leurs préoccupations. Ils n’ont pas encore compris qu’ils devraient, eux aussi, apporter quelque chose à l’autre, et leur amitié ne leur sert parfois qu’à défouler leurs sentiments.
Par la suite, quand le jeune cherche à se rendre indépendant de ses parents, il s’efforce de connaître beaucoup d’autres gens qu’il peut appeler “amis”, même s’il ne s’agit toujours que de camarades partageant les mêmes intérêts, se réunissant pour travailler, pour partir en excursion, etc. Au fur et à mesure qu’il mûrit, il sélectionne davantage ses amis et distingue entre relation d’entente et relation où l’on se donne. Il n’est pas courant d’avoir beaucoup d’amis. Il est naturel de connaître beaucoup de monde et d’établir des relations permettant de partager tel ou tel aspect de sa vie.

L’amitié et les autres vertus humaines
Comme nous l’avons dit, il ne peut y avoir d’amitié sans vertu. C’est pourquoi le développement conjoint de toutes les vertus humaines est indispensable à l’amitié. Quelques exemples suffiront à le démontrer. La loyauté est une vertu qui aide la personne à accepter les implications de son amitié, de telle sorte qu’au fil du temps, les valeurs que représente cette relation se trouvent renforcées et protégées. La générosité permet à l’ami d’agir en faveur de l’autre en tenant compte de ce qui est utile et nécessaire à son progrès personnel. La pudeur contrôle le dévoilement de certains aspects de l’intimité. La compréhension l’aidera à reconnaître les divers facteurs influant sur la situation de l’autre, sur son état d’âme, etc. La confiance et le respect incitent l’ami à montrer son intérêt pour l’autre, sa foi en lui et en sa capacité de s’améliorer continuellement. On peut donc affirmer qu’un bon ami est une personne qui lutte pour se dépasser dans tout un ensemble de vertus. Le problème étant : comment obtenir de nos enfants qu’ils choisissent leurs amis suivant ce critère et persévèrent dans l’amitié ?
Vu sous un autre angle, il s’agit également du problème des soi-disant “mauvaises influences”. Examinons ici ce qu’est une mauvaise influence.
D’une part, il faut être réaliste et reconnaître qu’il ne sert à rien de protéger l’enfant des influences extérieures de façon continuelle, car il viendra un moment où elles se présenteront à lui et, s’il n’y est pas préparé, elles seront d’autant plus nocives. Il ne s’agit pas non plus d’abandonner nos enfants en pensant que nous ne devons, ni ne pouvons, les aider.
La mauvaise influence est celle qui arrive à changer la personne d’une façon telle que son comportement habituel ne soit plus dicté par un jugement droit. Le résultat le plus néfaste d’une telle influence est le changement radical de critères de jugement chez la personne, impliquant une destruction ou un abandon de la vérité.
En d’autres termes, la mauvaise influence tend à favoriser le développement de vices plus que l’exercice des vertus chez nos enfants.
Si nous acceptons cette explication, nous verrons que l’influence occasionnelle d’une personne n’a que peu d’importance, à condition que le changement produit chez l’enfant ne se reflète que de manière sporadique. En effet, si un camarade de notre enfant lui a expliqué ses arguments en faveur de l’avortement et que ce dernier les accepte parce qu’il n’a pas les idées claires sur la question, il importe peu qu’il nous dise qu’il est en faveur de l’avortement. C’est en revanche l’occasion de lui exposer toutes les données du problème. Mais si cette idée s’accompagne d’autres idées qui se traduisent par un comportement et une façon d’envisager les choses habituelles, la situation est plus grave.
C’est pourquoi nous pouvons dire que l’amitié la plus dangereuse est celle qui repose sur un rapport de dépendance de l’un vis-à-vis de l’autre et conduit le premier à accepter toute l’influence du second, sans exercer son propre jugement.
Les parents devraient surveiller tout spécialement ces “amitiés”, car leurs enfants ont encore très peu de maturité et sont déjà très sûrs d’eux, même si leurs critères sont faux.
Il faudrait aussi surveiller les relations d’amitié que l’enfant peut entretenir avec un autre en tenant compte, non pas des caractéristiques personnelles de l’autre, mais des activités de loisirs qu’il propose. Par exemple, l’attrait que représente une puissante moto n’a, en soi, rien de mauvais mais peut le devenir s’il reflète, chez le propriétaire ou chez les parents, une absence totale de modération.
A surveiller également les adolescents qui ne savent pas s’engager dans une relation d’amitié, qui changent continuellement d’amis, sans réfléchir, et ne savent ni ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils attendent de l’autre. L’amitié implique un service. L’enfant qui n’a pas appris à servir peut difficilement vivre une amitié qui vise à l’amélioration de l’autre.
Mais la question posée plus haut est toujours sans réponse : comment obtenir de nos enfants qu’ils choisissent de “bons amis” ?
L’enfant choisit ce qu’il considère attrayant. Et l’objet de cet attrait dépend en grande partie de ce que ses parents lui ont enseigné depuis sa tendre enfance. Si leur vie est frivole et leur attention tournée vers les plaisirs, il est possible que l’enfant cherchent, parmi ses amis, ceux qui peuvent lui offrir le même type de plaisir. Si les parents, au contraire, s’efforcent de vivre la générosité en s’intéressant activement aux autres, il est possible que les enfants saisissent cette valeur et l’assimilent personnellement.
C’est pourquoi il s’agit de guider les enfants dans le choix de leurs activités en sachant que, dans chaque groupe, la majorité des personnes peuvent devenir soit de bons amis soit de mauvais amis. Il semble logique que les possibilités d’amitié soient plus nombreuses dans un club de jeunes que, par exemple, dans un groupe de garçons se réunissant pour fumer, boire et parler des filles sans respect. Cependant, le groupe de personnes susceptibles de devenir de bons amis peut paraître ennuyeux et sédentaire. C’est le défi que les parents doivent relever, en organisant ou en promouvant des activités intéressantes en soi, qui répondent au désir d’aventure des jeunes, à leurs intérêts artistiques ou à leur préoccupation pour les autres.
Dans ces circonstances, le jeune peut commencer à choisir ses amis, et c’est le moment de l’aider à avoir des attentions à l’égard de tel ou tel ami : qu’il lui rende visite lorsqu’il est malade, l’encourage lorsqu’il est triste, l’aide à accomplir une tâche, partage raisonnablement son intimité avec lui, et entretienne des contacts réguliers, non seulement en temps normal, mais également pendant les vacances, au moyen d’une carte postale ou d’un coup de téléphone. C’est cet effort pour ne pas perdre contact qui permettra à certains de garder toute leur vie des amis d’enfance.

Le rôle de la famille
Il semble parfois que la vie de famille soit en conflit avec celle qui implique les amis. C’est le cas, par exemple, lorsque les parents organisent une excursion en famille et que l’un des enfants préfère sortir avec un ami. Il est bon d’organiser des activités dans lesquelles la famille puisse se sentir unie, mais il faut en même temps respecter les goûts des enfants. Si nous acceptons le fait que nos enfants doivent avoir à la fois des amis, des camarades et une vie de famille, un peu de bon sens suffira à rendre les trois choses compatibles.
Cependant, le rôle de la famille, et en particulier des parents, intervient aussi à un autre niveau. Les parents veulent que leurs enfants aient des amis tout en désirant s’assurer que telle ou telle amitié est ce qui leur convient. Leur mission est de présenter la famille, le foyer, à leurs enfants, non comme un château où seuls les membres de la famille peuvent entrer, mais comme un groupe désireux d’accueillir d’autres personnes en son sein. Les parents n’ont pas le droit de pénétrer dans l’intimité de leurs enfants - dont les relations d’amitié font partie - mais il ont le devoir de créer une ambiance et des situations attrayantes qui leur permettent de connaître les amis de leurs enfants. En les connaissant, les parents doivent se garder de les juger ou de former des préjugés à leur égard à partir de leur comportement superficiel ou leur façon de s’habiller. Il s’agit de savoir comment ils pensent et connaître leurs critères de jugement. Dans certains cas, il n’y a aucun problème ; dans d’autres cas, notre enfant peut faire beaucoup de bien à l’autre, ce qui nous autorise à laisser l’amitié se développer après avoir parlé clairement avec notre enfant qui est déjà mûr ; mais en d’autres occasions, nous devons lui dire catégoriquement que la personne est une influence dangereuse et lui expliquer pourquoi. Nous ne pouvons dire non continuellement et, en fait, cela ne sera pas nécessaire si nous avons réussi à leur faire comprendre ce qu’est une véritable amitié.
D’autre part, le foyer est par excellence le lieu où les enfants peuvent se sentir en sécurité. Ils commencent à entrer en contact avec les autres et subissent des déceptions. Leur épanouissement dans la société se fera d’autant plus facilement qu’ils auront la certitude d’être accepté dans leur foyer.
En résumé, la famille doit rendre aux enfants le service de leur permettre d’inviter les autres chez eux pour que ceux-ci voient leur mode de vie et en tirent un enseignement positif. Par ailleurs, les parents doivent garder les bras grand ouverts afin que l’enfant, alors qu’il commence à se forger son propre avenir à travers différents types de relations, puisse revenir quand il le voudra, sachant que les rapports avec ses parents dépassent l’amitié : ce sont des rapports filiaux.
Il faut d’ailleurs préciser que les parents ne peuvent ni ne doivent essayer de se substituer aux amis de leurs enfants. C’est ce que les enfants attendent de leurs parents : qu’ils soient de bons parents et rien d’autre.

L’exemple des parents
Les adultes ont tendance à créer des liens selon des critères très personnels. Certains couples centrent leur vie sociale sur la famille au sens large ; d’autres sur un club ; d’autres encore pensent ne même pas avoir le temps pour des amis, et certains ne rencontrent les autres que dans un cadre strictement professionnel.
De plus, le couple se trouve confronté à un problème spécifique que n’a pas l’individu : la femme s’entend très bien avec une amie, mais son mari n’arrive pas à sympathiser avec le mari de l’autre. Or, comme nous l’avons dit, il faut distinguer entre les “amis” avec qui nous partageons une activité, un violon d’Ingres, et ceux avec qui les relations impliquent un engagement personnel.
Les enfants doivent voir en leurs parents des personnes disposées à s’engager, à aider, à donner, quoiqu’il leur en coûte, car c’est ce qui fait la valeur de l’amitié. Les parents qui centrent leur “amitié” sur des activités superficielles laissent à penser que leurs amis sont des instruments leur permettant de se construire une vie personnelle agréable. Inviter des gens chez soi, se montrer aimable à leur égard, puis les critiquer dès qu’ils ont le dos tourné, c’est transmettre à l’enfant une conception totalement erronée des devoirs qu’ils ont vis-à-vis de leurs camarades.
Autrement dit, nous demandons aux parents qu’ils respectent énormément les personnes avec qui ils sont en contact ; qu’ils jugent les opinions et les faits en soi sans critiquer les personnes impliquées, et qu’ils sachent s’engager avec beaucoup d’entre elles pour pouvoir s’en faire de vrai amis dont la présence enrichira l’individu et, avec lui, la famille.

Conclusion
L’amitié suppose une certaine unité de vie, de pensées, de sentiments et de volontés. C’est pourquoi il est logique que la majorité des amis partagent les mêmes critères de jugement sur l’essentiel, même s’il est possible d’avoir d’autres amis dont les critères soient radicalement opposés. Si, de part et d’autre, il existe respect, souplesse et le désir sincère de s’aider mutuellement, de trouver la vérité, il peut exister une amitié profonde. Si ce n’est pas le cas, la relation rencontrera beaucoup d’obstacles à son développement et l’affection peut très facilement cesser d’être réciproque et se traduire par un désir de domination. Il s’agira d’une amitié fragile. L’amitié devrait se fonder sur les efforts de l’un et de l’autre pour développer les vertus humaines. Le bon ami exige de l’autre qu’il le comprenne, lui donne l’exemple, lui procure ce dont il a besoin - ni plus ni moins - et qu’il se débrouille pour passer du temps avec lui. Aujourd’hui, on consacre très peu de temps aux amis, ce qui n’est ni logique, ni humain.

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